Sortie sur les lieux de mémoire du génocide juif à Paris et Drancy

Le mercredi 12 janvier 2022 les élèves de Terminale suivant l’enseignement d’HGGSP ont dû se lever un peu plus tôt que d’habitude (mais comme le dit Aymen, une sortie scolaire s’accompagne souvent d’un réveil matinal).
Les élèves étaient, dans le cadre du programme d’HGGSP et plus particulièrement dans le thème « Histoire et mémoires », en effet conviés à se rendre à Paris et ses environs afin de suivre un parcours encadré par le Mémorial de la Shoah sur les lieux de mémoire du génocide juif.
Rendez-vous a été donné pour la première étape à la place des Martyrs Juifs du Vélodrome d’Hiver, quai de Grenelle, dans le XVème arrondissement de Paris, à quelques mètres de la Tour Eiffel. Sophie, du Mémorial de la Shoah, nous a alors rejoint pour nous parler du premier lieu de mémoire, à savoir un monument réalisé par le sculpteur et peintre polonais Walter Spitzer (déporté à 16 ans) et inauguré en 1994 par le Président de la République François Mitterrand. Ce monument commémore la rafle du Vél’ d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942, la plus grande arrestation de Juifs en France durant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle plus de treize mille personnes, dont près d’un tiers d’enfants furent donc arrêtés, détenues au Vélodrome d’Hiver avant d’être envoyés vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Moins d’une centaine d’adultes en reviendront.

Ce monument, très expressif, représente sur un socle en béton de forme incurvée qui rappelle le vélodrome, des civils innocents : enfants, femme enceinte, personnes âgées victimes de la rafle. Chaque année y est organisée une cérémonie commémorative, le dimanche suivant le 16 juillet.

Sophie nous a ensuite emmenés à quelques mètres de là, au jardin mémorial des enfants du Vél’ d’Hiv’, situé à l’emplacement de l’entrée de l’ancien vélodrome, aujourd’hui totalement disparu car détruit en 1959.

L’endroit se veut être un lieu de recueillement et de souvenir dédié aux 4 115 enfants qui ont été raflés, séparés de leurs parents. On y trouve un grand mur en pierre calcaire où sont inscrits les noms et âges des quatre mille enfants qui ont été déportés sans retour après la rafle du Vél’ d’Hiv’. Une vingtaine de photos des enfants et des familles y sont affichées. Le jardin est ponctué de pierres sculptées de différentes tailles qui rappellent les cailloux blancs déposés sur les tombes juives.

Direction ensuite le IVème arrondissement et le quartier du Marais pour la découverte (ou la redécouverte pour certains) d’un autre lieu de mémoire : le Mémorial de la Shoah. Il s’agit d’un centre de documentation, d’archives avec différentes salles et une exposition permanente, crée en 2005. A l’intérieur, nous nous sommes arrêtés à plusieurs « lieux de mémoire » : le tombeau du martyr juif inconnu (dans la crypte), le Mur des Noms qui représente les Juifs déportés de France (76 000 en tout) ou le mémorial des enfants.

La journée s’est terminée par la visite d’un dernier lieu de mémoire, situé en Seine-Saint-Denis, plus exactement à Drancy, en compagnie d’Alix, notre nouvelle médiatrice culturelle.

Arrivés en RER, nous sommes descendus à la même station (Bourget) par laquelle arrivaient ou partaient les déportés. Drancy fut durant la Seconde Guerre mondiale le lieu d’un camp d’internement (ouvert en 1941) principalement pour les juifs arrêtés avant d’être ensuite déportés vers les camps d’extermination. C’est ici de que de nombreuses personnes de la rafle du Vel’ d’Hiv’ furent internées avant Auschwitz. Il s’agissait alors d’un immeuble construit dans les années 1930, constitué de quatre étages, autour d’une cour d’environ 200 mètres de long et 40 mètres de large. Des barbelés furent installés tout autour et faisaient 2 mètres de haut. 700 000 personnes furent internées ici (pour 127 décès en 3 ans). Particularité importante, ces barres d’immeubles sont aujourd’hui occupées, en effet, entre 600 et 700 personnes y vivent aujourd’hui.

Situé à proximité de la cité, un wagon de la SNCF, semblable à celui qui servait aux déportations, est installé.

Les rails de ce wagon mènent à un autre mémorial, réalisé par Shelomo Selinger, un artiste polonais déporté à 14 ans, ayant survécu à neuf camps et deux "marches de la mort" : il s’agit d’un monument crée en 1976 en mémoire aux Juifs déportés au Camp de Drancy et composé de 10 visages, 10 hommes représentant le rituel pour la prière des morts dans la religion.

Enfin, notre parcours s’est terminé dans le mémorial, situé en face de la Cité de la Muette et inauguré en 2012. Il se veut être un musée complémentaire à celui de Paris. Il est plus petit, plus intime, et présente de nombreuses pièces (cartes, lettres, dessins mais aussi vidéos) visant à retracer l’histoire du camp de Drancy et de ses déportés.

Le bilan de cette journée de mémoire fut riche et dense. Les élèves ont pu découvrir mais aussi rendre concrets des lieux, des événements, évoqués en cours, en lien avec le génocide juif. Cela a aussi été l’occasion de prendre possession de la notion de « lieux de mémoire » au centre du programme d’HGGSP et de réfléchir sur ces lieux, in situ, dont certains ont interrogé de par leur emplacement, (jugé pour beaucoup trop excentré, trop discret), leur état (comme Drancy, exposé à la météo, aux passants, aux résidents de cette cité mais qui n’y vivent pas par choix, entouré de détritus) …
Cette journée n’aura en tout cas laissé personne -accompagnateurs, guides et élèves- indifférents. Et rappelle aussi, comme l’a si bien dit M. Pichaud que l’on peut donc vite basculer dans l’horreur, que la démocratie s’avère fragile et que cette dernière nécessite donc une vigilance permanente qui passe notamment par le fait de ne pas oublier les faits passés.